MERCREDI 16 MAI
Survol des Pyrénées .J'écoute Pink Floyd pour ne pas entendre les discussions de mes voisines. Dieu que la réflexion est stéréotypée, peu d'analyses critiques et personnelles .On déblatère ce que l'on entend ou lit sans chercher à approfondir les pensées. C'est rassurant de se conforter dans un cadre universel, de faire partie du même troupeau. Anesthésie économique, politique, sociale, humaine.
Survol de l'Espagne ; souvenirs Barcelone , Aranjuez, Luanco, Caceres, Trujillo....sans oublier les Asturies et Luanco.
Nostalgie
Thiéfaine : "rue de l'Amour". Je continue la route qui me mènera à l'impasse de la Mort. Que laisserai-je derrière moi ? Quelle fut ma mission ? L'approche de l'embarquement dans la Barque Céleste me rend anxieux.
MARRAKECH (le soir)
Chaleur oppressante, elle vous enveloppe de sa moiteur suffocante. Je marche dans la foule des souks imprégné de couleurs chatoyantes, d'odeur d'épices, de discussions, de négociations...
Je suis saoul , j'ai soif de silence, j'ai soif d'eau, j'ai soif de calme et je me dirige vers le palais de Bali dans une rue ombragée.
Tableaux, marchands de cycles, colporteurs en tout genre. Les murailles du palais m'accueillent avec dans le rôle de sentinelles des cigognes.
Tel un fleuve tranquille qui déambule dans les prairies verdoyantes d'un plateau reposant, je serpente à travers les ruelles étroites, levant les yeux à la verticale pour apercevoir le soleil ; le calme m'enveloppe et j'évolue dans sa bulle oubliant la foule bruyante du souk.
JEUDI 17 MAI Col de Tizi n Tichka 2260 direction Ouarzazate et la Vallée du Dadès)
Petit déjeuner sur la terrasse du Riad ; j'aperçois le minaret de la mosquée Koutoubia et j'attends le départ vers l'Atlas
Ouarzazate (1 million d'habitants, studios de cinéma..) restaurant les jardins de Ouarzazate. Seul avec un groupe d'étrangers. Je joue les pachas et un chat m'a adopté; venu s'installer près de moi , se frottant : je suis sa chose, je suis possédé par le chat , je luis appartiens ; ce qui fait rire les anglaises. Dehors des palmiers et des lauriers rose en fleurs, en pleurs ?
Calme impétueux qui emporte tout dans son silence. Je me laisse emporter , n'offrant aucune résistance. Je rêve, je ne conteste pas l'autorité qui s'impose sans gêne dans mon esprit. Dur chuchotement d'une voix qui crie avec langueur son désir de m'isoler de ce monde ô combien bruyant - inutilement bruyant.
VENDREDI 18 MAI (avec les nomades) Départ 7 h 30 bivouac 12 h 30 Col de Tizi N Imjgarne 2000 mètres
Hier à la limite de l'Anti Atlas et du Haut Atlas ; aujourd'hui sous sommes dans le Haut Atlas; senteur de thym et d'armoise. Vent violent qui assèche. Tel un chercheur d'une marmite d'or au pied d'un arc en ciel, je cherche un trésor en suivant mes pas. Je marche en quête d'une réponse moi qui ne crois pas , qui ne sais prier. Je Te demande simplement de me faire un signe ; je suis sur le chemin de Damas chevauchant je ne sais quelle chimère.
Je ne trouve plus les mots, ils me fuient. Pourtant .....
I
SAMEDI 19 MAI départ 8 heures bivouac 17 heures avec le troupeau Col de Tizi N Toulat 2 758 mètres
Terres lointaines, terres variées, terres communes, nous sommes nourris, hébergés par cette même entité qu'est la Terre, notre mère. Sommes nous donc tous inconscients et égoïstes pour La Violer ?
DIMANCHE 20 MAI départ 7 h 45 bivouac, 10 h45
Le paysage change radicalement, d'une montagne aride aux oueds asséchés, nous passons et traversons une régions plus verdoyante où coulent des rivières que nous traversons au gré du cheminement
L'après midi, je monte seul vers un col vers ma montagne froide ; me vient en mémoire un poème de Han Shan :
" Je gravis le chemin de Han Shan,
le chemin de Han Shan est interminable
de longs torrents au milieu des rochers et des rocailles
des ravins profonds où les herbes sont drues
la mousse glisse, pourtant nulle pluie
les pins bruissent, pourtant nul vent
qui se dégagera du fardeau du monde
pour venir s'asseoir avec moi dans les nuages blancs ?"
LUNDI 21 MAI Départ 8heures bivouac 16 h 45 avec le troupeau Col Tizi n Asdrem 2967 m
Barbouillé depuis hier après midi rien e grave mais à surveiller;
pour la première fois depuis jeudi le vent s'est calmé. Sa colère est passée et le ciel chante sa clémence en acceptant dans son écrin un soleil radieux. Nous grimpons le long d'un petit torrent qui grâce à ses cascades chante la vie ; la montée est dure mais n'a d'égal que la beauté du Haut Atlas qui présente deux aspects : aride et néanmoins accueillant. Devant moi la chaîne du M Goum ( deuxième sommet de l'Atlas) ; il a conservé son col blanc
Midi ; aucun bruit, la vie et la nature se sont endormies, moi avec ; le troupeau se repose
Je prie pour tous ceux que j'aime- physiquement loin d'eux, affectivement proche. Ils ne me quittent pas en pensée.
Le sommet est proche "Le sommet atteint, continue de gravir la montagne"
Descente abrupte pour rejoindre le bivouac. On ne l'aperçoit pas. La descente est comme la vie ; elle nous réserve des surprises qu'il faut franchir en utilisant pieds et mains, des pierres traîtresses qui se défaussent sous vos pieds, contours obligatoires pour éviter une barre rocheuses et au terme de la descente ( de la vie) , vous vous retournez et apercevant ce que vous avez réalisé, vous souriez.
BIVOUAC
Petit chevreau, toi qui es né sur les pentes abruptes de l'atlas, toi qui as marché cherchant les verts pâturages, te voilà maintenant pâturant dans les vertes prairies de l' Eternité. Egorgé sur la table de l'amitié et de l'accueil, tu scelles un pacte entre les hommes . Repose en paix, petit chevreau, et que ton sacrifice soit remercié par les hommes.
MARDI 22 MAI vengeance du chevreau
Vent froid qui souffle dans la vallée, nuages noirs qui jettent l'opprobre sur notre bivouac. Sommes nous punis de ce sacrifice ? Toi le chevreau , as tu trouvé le repos ? Nous aurions dû franchir un col à plus de 33oom mais la pluie menaçante rendrait le parcours très délicat pour le troupeau et les dromadaires. Nous sommes bloqués au bivouac. Je m'assois près de la rivière et le regarde passer mes rêves. J'ai franchi la frontière et je contemple dans le courant les images éphémères.
Après midi
Le temps se maintient. Nous partons (Mohamed, Ibrahim et moi) aux gorges de Taghia Wenzi. Larges à leur début, elles se resserrent afin d'abriter les démons dans les falaises qui nous entourent. Je lève la tête subitement croyant voir l'ombre d'un djinn venir me jeter un sort. Son fantôme s'abrite dans le corps d'un choucas qui plane au dessus des falaises.
MERCREDI 23 MAI D2PART 7 H00 BIVOUAC 13H30 cOL DE tIZI n tAMGMART 2976 m Col de Tizi N Igourane 3300m
La montée lente, abrupte ne laisse pas le temps à la méditation. Pourtant je pense à tous ceux et celles qui sont restés en France. Que font-ils ? Une semaine déjà passée. Le nomadisme es un mode de vie extrêmement difficile.
On monte, passage délicat le long de la falaise quand une pierre se détache au passage de la caravane. Les dromadaires affolés font un demi-tour rapide et périlleux et apeurés galopent sur le chemin. Rien et personne ne peuvent les calmer. Je me réfugie sur un rocher pour ne pas être bousculé à leur passage. Finalement ils s'arrêtent et l'on reprend l'ascension du col.
12h30 Arrivé au col je laisse trace de mon passage en déposant une pierre sur un cairn. Nomade, lorsque tu passeras par ce col l'an prochain, sache que ma pierre te salue, valeureux marcheur.
Descente tout aussi raide que la montée et longeant un oued asséché ; nous arrivons au bivouac .
Dans l'Evangile, le Seigneur est notre berger. Mais compte tenu de cette petite expérience pastorale, je ne trouve pas cette image poétique et flatteuse. Rien n'est plus stupide qu'un troupeau de chèvres et de moutons. Le Seigneur nous considère -t-il comme es êtres stupides ? Pourtant Dieu créa l'Homme à son image.
HEUDI 24 MAI Agga Izourar Zawyayt Oulmzi 8h 10h30 13h00 15h00 dernier jour de transhumance avec les nomades
8heures on quitte le troupeau. Adieu à Touda, Fato et Ahmed. On part avec Larsen, Aïcha , Zaara et Mouha direction le lac d'Azourar.
Lassitude, est-ce la fin de la randonnée, de quitter des personnes sympathiques avec lesquelles j'ai pu communiqué avec le cœur si la langue faisait défaut ?
Lassitude des séparations ? Je ne sais pas. Mais toujours est-il que les jambes ne répondent pas ce matin ; je marche comme un zombi.
Arrivé au bivouac, je dors. Whisky berbère (thé à la menthe), on mange, je dors. éveil à 13 heures pour le départ au gite. Deuxième adieu, deuxième deuil. Adieu larsen Aïcha, Zaara, Mouha
Chacun ira vers sa destinée. Aucune promesse de se revoir, de s'écrire. Promesses non tenues qui, sur l'instant permettent de faire croire à une amitié éternelle. Illusion de l'être qui, emporté par le courant de la vie s'accroche à ces promesses tel un noyé à une branche.
Je sais que l'on ne se reverra plus mais je garderai en moi, au plus profond de mon cœur vos sourires, vos joies et vos inquiétudes. Qu'Allah vous ait sous sa protection
VENDREDI 25 MAI Zawyat Oulmzi Ifrane
Vallée d'Aït bougmez et ses villages en pisé et ses canaux d'irrigation, ses ighermt (greniers fortifiés)
SAMEDI 26 MAI Le souk de Aït M'Hamed retour à Marrakech
Sur la route nous sommes passés près du pâturage de Larsen, pâturage où il va passer 4 mois avec sa famille.
Place Jemaa el Fna toujours aussi bruyante. Pour moi, elle ne présente aucun intérêt sinon celui d'un tourisme de masse avide de plaisirs exotiques faciles
Brrrr!!!! le grand frisson de voir les charmeurs de serpents. OOOOOOOhhh que les chants berbères sont splendides !!!! et les singes;;; et les escargots;;;;; De l'authentique pourront-ils s'extasier devant leurs amis "bobos"
DIMANCHE 27 MAI
Tourisme de masse , culture et traditions. Vaste sujet. L'Occidental crée un immense zoo dans lequel il organise des safaris photos. Qui es t l'animal traqué ?
Heureusement, le calme revient dans les jardins de Marrakech. Moment de fraîcheur physique, de fraîcheur spirituelle, fraîcheur de l'âme.
Repos du corps
Repos de l'âme
J'ai marché toute la journée sans manger. On trouve toujours l'énergie.
LUNDI 28 MARDI 29 MAI
Visite du palais Badii , le nimbar , palais de la Bahia, Tombeaux des Saadiens, la Casbah, Mosquée de la Pomme d'or
Visite du musée de Marrakech, la Médersa de Ben Youssef, la mosquée de Ben Youssef
Retour au calme dans le jardin de la Koputoubia. Allongé sur un banc, la tête reposant sur mon sac, je somnole, bercé par le chant des oiseaux et la caresse de la brise qui ondule sur les arbres. Je ne pense à rien ; le temps d'un instant, je ne suis pas.
Retour à la réalité. La transhumance me semble déjà loin ; pourtant comment ne pas oublier Larsen, Touda, Aîcha, Zaara, Fato, Ahmed et Mouha. Ils sont maintenant arrivés à leur pâturage, leur vie sera moins mouvementée , quoique ...
Et Ibrahim a dû retrouver sa famille.
J'ai longtemps marché dans Marrakech, la Médina. Si Majorelle revenait, trouverait-il la même lumière, cette ambiance qui l'avait tant séduit ? Il reste le thé à la menthe n'est-ce-pas Ibrahim il reste aussi que , lors de la transhumance; il y avait toujours une assiette à partager lorsque l'on arrivait à la tente
Il reste qu'il ne faut pas oublier ces gestes simples mais tellement riches en humanité
MERCREDI 30 MAI
Retour à la maison ; toujours cette dualité : être là être ailleurs
Etre avec la famille , les amis
Etre là bas, dans d'autres contrées, d'autres pays pour de nouvelles rencontres....
Rencontres éphémères mais tellement éternelles. Des mondes différents qui se côtoient et qui, l'espace d'un instant s'acceptent dans leurs différences et leurs complémentarité. s.